En ces temps confus de transition écologique et de fin annoncée des ventes de véhicules à énergie fossile, deux jeunes aventuriers prennent les devants pour sortir de l’expectative (et du CO2). Afin de promouvoir la mobilité propre et les énergies renouvelables, Rémi et Alexandra s’apprêtent à faire le premier tour du monde zéro-carbone avec leur Combi T3 qu’ils ont transformé en véhicule électrique. Un projet fou et plein d’énergie solaire…
Un défi générationnel
Rémi Pillot et Alexandra Perfettini se sont rencontrés en Australie, il y a 10 ans, dans un van aménagé… Entre les deux amateurs de road-trips, le courant est très vite passé. Animés par la même fibre éco-responsable, l’ingénieur de 31 ans et l’architecte de 29 ans partagent aujourd’hui un ambitieux projet environnemental : l’EVWT (Electric Vehicle World Tour), 50.000 km autour du monde à bord de Nano, un Combi 100% électrique, accompagné d’Eve, une remorque à recharge solaire autonome.
Le départ est prévu à la fin de l’année 2019, mais le jeune couple travaille d’arrache-pied sur le projet depuis plus de 2 ans. Car derrière le sacerdoce écologique se cache un défi technique majeur : transformer un VW T3 Syncro 4×4 de 1990, en van équipé d’un moteur électrique, de batteries et de panneaux solaires.
Un T3 Syncro équipé de 8 batteries Tesla
Phase primordiale, la conversion d’un véhicule thermique en électrique (ou rétrofit électrique, voir encadré) nécessite de lourds investissements : 50 K€ pour Nano, 40 K€ pour Eve. Entre R&D, modélisations, achat des matériaux, conception, recherches de sponsors, le projet est une « perpétuelle aventure » comme le décrit Rémi. Le duo fait appel au financement participatif, la qualité de leur projet, leur motivation et leur communication assidue sur les réseaux sociaux convainquent des partenaires.
Après avoir récupéré 8 batteries Tesla (soit 42,5 kWh) aux USA, ainsi qu’un moteur électrique Siemens (100 ch, 200 Nm de couple) venant d’un Ford Transit, les travaux s’avèrent technologiquement délicats. Il faut par exemple concevoir des pièces de jonctions avec la boite de vitesse, adapter les câblages aux différents voltages, connecter les modules avec un tableau de bord intelligent… et même transformer le circuit d’eau de refroidissement des batteries, pour alimenter la réserve d’eau chaude de la douchette extérieure !
La partie électrification du T3 terminée, Nano vient d’être homologué avec son moteur électrique en Roumanie (la France n’ayant pas encore de cadre légal, voir encadré), Alexandra et Rémi peuvent à présent rouler légalement ! Mais avant de se lancer sur les routes du monde, ils sont actuellement en résidence dans les ateliers partagés d’Ici Marseille, où plusieurs chantiers les attendent. D’une part l’aménagement intérieur va être intégralement refait à neuf, de l’isolation au mobilier. D’autre part un nouveau toit, relevable électriquement et horizontalement, va être installé, afin de recevoir un deuxième couchage et des panneaux solaires.
300 km d’autonomie
Enfin, ultime étape, Alexandra et Rémi vont consacrer leur été à la finition de la remorque qui rechargera les batteries de Nano. Ils l’équiperont de panneaux photovoltaïques déployables à l’extérieur, et d’un important système électrique à l’intérieur (ondulateur, régulateur) « C’est une petite usine de production d’énergie à elle toute seule, elle produira jusqu’à 85 kWh stockés dans 200 kg de batteries ». La remorque fournira 150 km d’autonomie supplémentaire au T3, soit un total estimé à 300 km d’autonomie pour une surface de 80 m² de panneaux solaires.
Fin 2019, Alexandra et Rémi partiront à travers 30 pays, en Europe, Asie et Amérique du Sud. Durant leur aventure ils seront les ambassadeurs d’une mobilité zéro émission de CO2, ils prévoient d’aller à la rencontre des écoles et institutions pour échanger sur les énergies renouvelables, voire faire profiter de leur électricité nomade à des ONG. En point d’orgue de leur périple d’1 an et demi, le couple souhaite participer activement au futur marché de la conversion de véhicules thermiques en électriques, à travers une start-up qui proposerait des kit de conversion électrique.
Pour suivre et soutenir le projet d’Alexandra et Rémi :
– Site : www.evwt.org
– Chaine Youtube : ElectricVehicleWorldTour
– Instagram : @electric_vehicle_world_tour
– Facebook : @evworldtour
Qu’est-ce que le rétrofit électrique ?
Le rétrofit consiste à convertir un véhicule thermique en véhicule électrique, autrement dit à remplacer le moteur essence ou diesel par un moteur électrique. A l’origine le terme rétrofit était utilisé dans le réaménagement d’anciens véhicules pour un nouvel usage (ex : modification d’avions civils en cargo), aujourd’hui le rétrofit désigne plus précisément la conversion de voitures anciennes en électrique.
Déjà présente dans une vingtaine de pays, cette pratique se développe en France sous la houlette de quatre entreprises à l’avant-garde du rétrofit électrique :
- Brouzils Auto, garagiste restaurateur, artisan de la mobilité en Vendée
- Carwatt, transformateur de véhicules industriels
- Ian Motion, seconde vie électrique pour véhicules mythiques
- Retrofuture Electric Vehicles, électrification de voitures anciennes
Réunis au sein de l’association AIRe (Acteurs de l’Industrie du Retrofit électrique), ils militent pour une libéralisation de l’électrification des véhicules, une pratique interdite en France mais autorisée en Europe.
L’AIRe s’appuie sur une expertise pointue, et la perspective d’importantes retombées écologiques et économiques. Une dynamique confortée par le projet de loi LOM (Loi d’Orientation des Mobilités) adopté au Sénat en avril 2019, qui laisse entrevoir la possibilité d’autoriser le rétrofit électrique via un futur décret.
Rémi Pillot, du projet EVWT, a été contraint de faire homologuer son T3 Nano en Roumanie : « Aujourd’hui si vous présentez un véhicule électrique en réception à titre isolé à la DREAL, ils n’ont pas de cadre réglementaire pour le tester ». Lui et tous les acteurs du secteur espèrent être entendus par les autorités, afin de voir une filière du rétrofit se développer en France, et pouvoir y faire homologuer des véhicules électriques “rétrofités”.